Deuxième session intensive

J'allai à ce séminaire en toute tranquillité, sans impatience ni angoisse, comme s'il s'agissait d'une activité tout à fait ordinaire.
La réunion avait à nouveau lieu à Habère Poche,en Haute Savoie, comme en Mai dernier.
Nous arrivâmes avec la neige, mais dès le lundi elle disparut et il fit doux, nous eûmes même de belles journées ensoleillées que nous mîmes à profit pour nous promener dans les environs, qui sont très beaux.
Cette fois-ci, je fus moins bouleversé émotionnellement, et je fus plus disponible pour sortir avec mes camarades.
Etait venue une coanimatrice italienne, Giovanella, d'une grande expérience et d'un grand rayonnement intérieur. Tous apprécièrent grandement sa présence.
Deux nouvelles participantes s'étaient jointes au groupe, et en somme remplaçaient les deux hommes partis. Nous étions à nouveau treize, plus deux co-falicitatrices, soit quinze personnes en tout.

Les deux premiers jours furent plutôt consacrés à la rencontre des deux nouvelles et à des échanges d'ordre plutôt général.
Le thème de l'éducation occupa beaucoup de temps.
Giovanella n'arriva que lundi, et pour nous connaître elle nous demanda de participer à un petit test : choisir dans un tas de photographie découpées dans des magazines celles qui nous correspondaient le plus (5 à7) et les commenter.
Je trouvai illustrés les thèmes que j'aimais : le ciel avec le soleil et les nuages, l'orage avec la pluie et les éclairs, un groupe d'enfants rieurs, une forêt, une ferme ancienne, un diablotin se chauffant les mains au feu de l'enfer, Adam et Eve nus au paradis, prêts à croquer la pomme sous le regard du serpent.

Comme à mon habitude je mis les pieds dans le plat pour signaler que je m'ennuyais ferme lors de certaines interventions d'ordre trop général, et d'autres intervinrent dans le même sens, en désignant nommément une des deux nouvelles, qui reconnut bien volontiers ne pas oser s'engager dans des choses personnelles et profondes, car non habituée à se livrer devant un groupe.
Il est vrai que je m'énervais intérieurement moi aussi lors de ses interventions, mais je n'avais pas osé la mettre en cause directement.

Il y eut aussi de la part de ces personnes contestataires et de moi-même l'aveu de la culpabilité que nous avions éprouvée après avoir manifesté notre désaccord.
Cela entraîna un échange sur le lieu de l'évaluation, interne ou externe : notre centre d'évaluation interne nous avait fait protester contre ce qui se déroulait et qui était apparemment accepté par tous (tant que personne ne protestait).
Mais le poids de l'évaluation externe (du moins telle que nous l'imaginions) nous faisait nous sentir coupables d'avoir interrompu un processus voulu par la majorité.
Nous prenions conscience que notre évolution devait être de plus en plus d'entendre et suivre notre évaluation d'origine interne.

Comme pour illustrer cela il y eut un incident : une participante demanda en pleine séance de travail à Olga (facilitatrice régulière et organisatrice de la formation) quand arriverait Giovannella, la facilitatrice italienne.
Olga répondit d'un ton un peu irrité qu'elle l'avait déjà dit, et qu'il lui était pénible de sortir de la concentration dans laquelle elle se trouvait lors de son travail de facilitation, pour réfléchir à des données pratiques qui relevaient d'un autre état d'esprit.
La participante reçut cette réponse comme un rejet et un jugement, et répondit vivement en disant qu'elle avait remarqué depuis toujours qu'elle agaçait Olga, et que de toute façons elle aussi, Olga l'agaçait.
Olga s'en tint à ce qu'elle avait déjà dit, ce qui ne calma pas la personne, au contraire.
Cela eut lieu dans la matinée du lundi, la participante fut trop bouleversée pour déjeuner à midi et dîner, et ne réapparut fraîche et dispose que le lendemain matin (après avoir tout de même bénéficié de l'aide individuelle de plusieurs personnes, dont Olga elle-même).
Olga interrogée à ce sujet déclara qu'elle ne se sentait pas coupable.
J'en conclus qu'elle avait suivi les indications de son centre d'évaluation interne, même si les conséquences risquaient d'être pénibles pour son interlocutrice.
Pour ma part, j'aurais peut-être été plus "gentil" avec la personne, suivant ainsi une évaluation externe qui me demanderait de ne pas prendre en considération mes propres ressentis pour me conformer aux demandes des autres et que "tout aille bien".

Le lendemain l'une des deux nouvelles s'exprima d'une façon personnelle et impliquante, le surlendemain l'autre en fit autant.
Cela déclencha en retour d'autres témoignages très forts, et je retrouvai l'atmosphère intense que j'aime tant.
Mais en même temps certains récits étaient très éprouvants par l'intensité de la souffrance exprimée, et je me dis que chacun avait en lui, à travers des expériences très différentes, une cachette pleine de souffrance, et que celle-ci devait être d'autant plus grande si la personne était sur la défensive, le retrait, la protection.
Bien entendu il n'y avait pas d'échelle des souffrances, elle n'était pas mesurable.
Tout en éprouvant de fortes émotions, j'écoutai tout ceci néanmoins avec une relative tranquillité. Cela ne suscita pas en moi de débordements irrépressibles.
Après leur témoignage, les deux nouvelles me parurent aussi proches que les anciennes. Je ne faisais plus la différence.

J'exprimai alors le désir de participer à un laboratoire d'empathie, avec enregistrement vidéo et audio. Deux personnes pour qui j'ai beaucoup de sympathie se déclarèrent partantes avec moi, Giovanella fut notre superviseuse.
Nous quatre allâmes nous isoler dans une salle à part.
(Pendant ce temps, le reste du groupe échangea sur le thème de la relation de couple).

Le principe était : l'un parle, l'autre écoute, le troisième, ainsi que la superviseuse, observe et prend des notes.
Nous décidâmes d'un temps de 20 minutes, au bout duquel chacun donnait son ressenti : l'écoutant comment il appréciait lui-même son écoute, quels en étaient les points forts, les points faibles, ce qu'il pourrait améliorer.
L'écouté s'il avait eu le sentiment d'avoir été bien écouté, ce qui l'avait gêné ou aidé.
L'observateur ne devait dire son appréciation qu'au sujet de l'écoutant,ne rien dire à propos de la personne s'étant exprimée ; celle-ci étant par principe libre de dire ce qu'elle veut comme elle veut.
Enfin la superviseuse exprime son point de vue (à la fois sur l'écoutant et l'observateur), riche de toute son expérience professionnelle, pleine de délicatesse et de positivité, mais cependant ne laissant rien passer et très fouillée dans le détail et la rigueur.
C'était très instructif.
Ceci fait on permute les rôles, afin que chacun puisse faire l'expérience des trois positions.
Ce qui ressortit de cette expérience, c'est d'abord l'évidence de la présence du climat, créé par l'attitude empathique, positive, très attentive de chacun de nous.
Cela permit à notre écoute d'être efficace, même si en qualité de débutants certaines de nos interventions furent maladroites.
En effet chacun des "écoutés", malgré la courte durée du temps imparti, alla très profond dans ses émotions et arriva à la fin au sentiment d'avoir découvert quelque chose de nouveau, dont il n'avait pas pris conscience antérieurement.
Si cela se présente sous forme d'évidence lumineuse,on appelle ça " insight".
L'une d'entre nous eut ce genre de sentiment.

Ainsi, pour ma part, je pensais ne pas avoir grand'chose à dire.
Aussi je partis sur mes sensations corporelles, essentiellement sous forme de tensions à la nuque et aux épaules.
Puis je dérivai sur le sentiment que cela pouvait recouvrir : la peur.
Et je dérivai sur des choses très profondes de mon enfance et de ma vie d'adulte, qui libérèrent de très fortes émotions.
Mon écoutante commit quelques erreurs notoires, mais cela ne me gêna pas outre mesure : je rectifiai le tir et continuai mon récit dans la direction qui me convenait.

Au "feed-back" je remarquai qu'avec une professionnelle je n'aurais certainement pas reçu avec autant de tranquillité ces erreurs.
Ma réponse aurait été très certainement très percutante.
Mais là je corrigeai doucement car je sentais très fort l'intention positive de mon écoutante.
Je fus étonné de pouvoir en si peu de temps dire des choses si profondes.
Mon point de vue sur la durée non limitée des entretiens se modifia :
Le fait de mettre une limite influençait-il la profondeur du ressenti ?
Ou seule la qualité de l'écoutant intervenait-elle ?

Revenus dans le grand groupe nous racontâmes notre expérience et cela donna envie à d'autres, jusque là hésitants, de faire la même chose.
Ce qui les décida fut moins ce que nous disions que la vision de nos mines épanouies.
Il y eut une longue discussion pour savoir qui irait avec qui et finalement, avec l'accord de tous, trois allèrent avec Giovanella et la caméra, quatre avec Olga, et nous restâmes six en petit groupe sans facilitatrice.
En faisaient partie mes deux compagnes de laboratoire de la veille, les trois autres étaient également des anciennes, avec lesquelles j'ai d'excellents rapports.

L'une d'elles s'exprima longuement.
Je l'écoutai paisiblement et sereinement, et quand elle eut fini, on me fit remarquer que je semblais bien dans ma peau,que je semblais même rayonner.
Je répondis qu'en effet je me sentais bien, et j'expliquai qu'y contribuait sans doute le fait que dans ma vie privée j'avais mis les pendules à l'heure, et n'avais plus de problèmes en suspens.
Au départ il me semblait n'avoir rien de spécial à dire, puisque justement je me sentais bien, sans tension, et c'est pour cela que j'avais été bien disponible pour écouter le première intervenante.
Encouragé par l'intérêt que je suscitais, je continuai à m'exprimer sur moi-même, d'abord sur un registre positif et serein, puis de fil en aiguille abordai quelques sujets à problèmes, pour enfin, à mon grand étonnement mais aussi pour mon plus grand bien,me trouver à parler de choses profondes et fondamentales,avec force larmes et sanglots !
Je pus mesurer ainsi la qualité de l'écoute qui m'avait été donnée, car dans des circonstances ordinaires je n'aurais jamais abordé ces sujets, qui touchaient à des domaines vraiment sensibles de ma vie.
Les deux autres groupes avaient terminé et vinrent nous rejoindre.
Cela écourta un peu la fin de mon témoignage, et deux de mes écoutantes me le firent remarquer en venant vers moi.
Spontanément nous nous prîmes dans les bras, et restâmes ainsi longtemps enlacés, la tête penchée sur l'épaule de l'autre.
C'était tellement bon que nous n'arrivions pas à nous séparer.
Il me semblait qu'une immense énergie circulait en nous trois et nous unifiait.
Je me dis que ce n'était plus seulement de la "considération positive inconditionnelle", mais que c'était vraiment de l'amour, à l'état pur.

Je me sentis comme transformé, et dans un état second.
Une fois séparés, je restai en esprit dans cette embrassade à trois, je demeurai dans cette puissante énergie.
Je restai dans ce climat même une fois rentré chez moi, transportant partout avec moi la présence de mes compagnes d'écoute et de liberté bienveillante.
Cela eut une conséquence sur la relation avec mon amie :
Je me sentis avec elle plus en confiance, plus détendu, plus "cool", et la perçus plus proche, plus réelle, plus parfaite et plus "telle que je la désirais", et nous eûmes une super relation.

Le dimanche matin fut consacré aux dernières impressions.
Les uns et les autres furent assez longs à prendre la parole, tout le monde ne s'exprima pas.
Les départs se firent d'une façon échelonnée, je me retrouvai dans les quatre derniers qui restaient au déjeuner de midi, et au retour je pus encore prolonger en voyageant jusqu'à Paris avec une des deux nouvelles.
A la fin de ce séminaire, je ne sentais pas de vide ni de manque.
Je sentais en moi la présence de toutes les personnes avec qui j'avais vécu des choses importantes.
Je me sentais accompagné.

Troisième séminaire de week end


J'étais pressé de revenir à ce séminaire pour retrouver mes soeurs.
J'étais encore imprégné de leur présence qu'il me tardait de renforcer de leur réalité.
Mais déception, 3 étaient absentes, et non des moindres.
De plus, ce n'était pas Olga qui animait comme d'habitude, mais son mari Patrick.
Je connaissais déjà Patrick pour avoir suivi avec lui les 4 week-ends de "l'école des émotions", remplacée maintenant par

"La redécouverte de vos émotions et la recherche de vos valeurs"

J'appréciais la parole de Patrick, qui exposait avec beaucoup de précision et de sensibilité ce qu'était l'ACP, mais je redoutais sa tendance à parler beaucoup, donner beaucoup de place au verbe, au détriment des silences et de la profondeur.

Mais comme pour rééquilibrer était venue Josette, une charmante facilitatrice psychothérapeute de son métier.
Elle était très posée, discrète, mais cependant intervenante, employant une reformulation quasi-basique mais toujours juste et bien centrée sur l'émotion et le ressenti de la personne qui s'exprime.
Je la trouvais très aidante et rassurante, apaisante.

Comme je le craignais, d'emblée Patrick prit la parole longtemps,entre autres choses pour se présenter.
Je ne prends jamais de notes d'habitude, mais cette fois-ci j'en pris pour noter la durée et le thème des interventions de Patrick.
Il se déclara très gourmand de relations humaines, et présentement très en appétit.
Pour cette première intervention, je notai une demi-heure.
Au repas je parlai de l'attitude de Patrick avec d'autres stagiaires, et on me signala qu'Olga ne s'était jamais présentée au groupe.
Quand on lui en avait fait la remarque, elle avait répondu que cela ne le lui avait jamais été demandé par le groupe.
Cependant sa vie ne nous était pas inconnue, car elle répondait volontiers hors groupe aux questions qui lui étaient posées sur son parcours personnel.

Quelques personnes s'exprimèrent sur "comment elles avaient vécu après le dernier séminaire intensif", et dans ce contexte, j'exposai comment, revenu chez moi ouvert et radieux, j'avais vécu avec mon amie une superbe relation pendant quelques jours, puis qu'une contrariété avec un ami qui ne pouvait m'assister dans une démonstration d'Aikido m'avait refermé, et je m'étais retrouvé avec mon amie, qui pourtant n'y était pour rien, dans ma relation antérieure, moins chaleureux, plus distant.
J'en étais très frustré et prenais conscience qu'il y avait en moi une instance qui ouvrait et fermait les portes, complètement en dehors de ma volonté.

Bien que cela ne m'apporta pas de solution, cela m'avait fait du bien de parler de ça, et je me trouvai très bien le lendemain matin au petit déjeuner à parler avec le 2e homme du groupe, si bien que j'arrivai en retard, ce qui n'était pas mon habitude.
Patrick parlait encore, et là il s'agissait pour nous d'envoyer au PCAIF après chaque séminaire une sorte de rapport de stage, au titre de "l'intégration cognitive".
Une discussion s'engagea là dessus, certain(e)s exprimant carrément ressentir que cette demande allait à l'encontre de leur recherche actuelle, qui était de l'ordre du "lâcher prise" et du "non-faire".
L'une exprima même préférer risquer de ne pas avoir son diplôme de psychothérapeute, auquel elle tenait pourtant, plutôt que de satisfaire à cette demande, qu'elle sentait contradictoire avec sa voie nouvellement découverte ici même, à savoir seulement suivre ses sensations et la sagesse de son organisme,

Patrick reprit la parole pour répondre à cela et je n'en pus plus.
(Il avait également parlé pendant plus d'une demi-heure).
Je lui dis que je ne pouvais plus l'entendre, que je ne l'entendais plus, et que je n'étais pas venu ici de loin, passer du temps, et payer cher, pour entendre des discussions et des exposés, mode de communication que j'avais toujours entendu jusqu'alors et que je pouvais à nouveau entendre partout ailleurs.
Je ne voulais pas cela, et je voulais quelque chose d'autre, que j'avais déjà expérimenté dans ce groupe, et que je ne trouvais jusqu'à présent que là.
Que c'était sans doute parce que j'appréhendais ce style de propos que j'étais arrivé en retard ce matin.

J'avais parlé avec grande force et conviction, presque avec colère et agressivité.
Patrick me répondit qu'il se devait de tenir son rôle de directeur du PCAIF et donc de donner des informations, qu'il était aussi d'une nature à prendre de la place et qu'il faisait partie de la réalité.
Qu'il espérait aussi me faire progresser par sa présence, car c'était aussi avec un facilitateur lui posant problème que lui-même avait bien avancé.
Je perçus cela comme un défi, du genre "Je suis là comme cela, que ça te plaise ou non" et lui en fis part.
Il me dit que non, il n'y avait aucun défi, sinon envers lui-même, il se devait seulement d'être congruent.
Me gênait encore sa casquette de Directeur. Je le lui dis aussi.

Une autre participante fit écho à ma protestation en disant qu'elle avait envisagé, aujourd'hui, d'aller se promener à Paris plutôt que de rester à ce groupe. Mais qu'elle allait quand même rester.
D'autres dirent aussi qu'elles ne s'étaient pas senties très à l'aise dans ce groupe jusqu'à présent, et qu'elles se sentaient mieux dans le nouveau dynamisme que je venais d’insuffler.
Une autre cependant précisa qu'elle appréciait les informations de Patrick.

Patrick tint compte de ma demande et un long silence s'installa.
Comme personne ne prenait la parole, l'occasion m'était encore donnée de parler ; j'intervins sur le thème du droit à la colère.
J'avais remarqué que mes colères, dans ce groupe, avaient eu des effets très positifs, aussi bien sur moi que sur la vie du groupe.
Des échanges eurent lieu sur ce thème.
Après la pause un long silence n'en finissait pas non plus.
Je proposai alors qu'on se divise en 2 sous-groupes, car j'avais à dire des choses personnelles qu'il me semblait devoir être plus facile d'exprimer dans un petit groupe.
De son côté, Patrick proposa un jeu de rôle, où il appliquerait l'ACP dans une relation difficile jouée avec un volontaire d'entre nous, d'après des cas vécus dans nos propres vies.

Il y eut un consensus pour cette séparation, et j'allai avec Josette et quelques autres, dans une autre salle.
Ce dont j'avais à parler nécessitait que je ressente beaucoup de confiance, de chaleur et de sécurité.
C'est pour cela qu'il me semblait que cela ne pouvait se faire dans le grand groupe, ou je craignais que tout le monde ne soit pas suffisamment attentif ou intéressé, et aussi d'être perturbé par l'intervention intempestive d'un(e) maladroit(e).
Pour le petit groupe, il y avait un choix mutuel.
Ne venaient que ceux qui étaient à coup sûr intéressés par ce que j'allais dire.
Les connaissant, je savais aussi qu'ils n'allaient pas intervenir à contresens.

Effectivement, la très grande qualité du climat me permit de parler avec beaucoup de profondeur et d'émotion de ce qui me tenait à coeur, et d'y trouver un nouveau sens, comme un élargissement, une accélération, pour ma vie.
Il s'agissait de l'attachement indestructible que j'éprouvais envers les membres de la famille chez qui j'avais vécu à l'Ile d'Oléron entre 7 et 10 ans, circonstance qui avait joué un rôle fondateur dans la construction de ma personnalité, et dans les motivations de toute ma vie, et encore à l'heure actuelle.
Je pris conscience qu'il était épanouissant et développant pour moi d'accepter ce fait comme faisant partie intégrante de moi et la source de mes valeurs, et d'agir consciemment selon cette orientation que les circonstances de la vie m'avait donnée.
Dans cet ordre d'idées, je ressentais beaucoup de femmes de ce groupe comme mes soeurs, comme autrefois je ressentais les 3 filles ainées de cette famille de mon enfance comme mes propres soeurs.
Cela me faisait ressentir comme actuel et vivant un lien ancien, et ne plus souffrir de leur absence, qui m'avait beaucoup affecté par la suite, car je les avait perdues de vue suite à leur départ en Tunisie avec leurs parents..
Je fus très reconnaissant à ces personnes de m'avoir offert cela.

Le lendemain, encore au bout d'un long silence sans issue, je proposai à nouveau une séparation en deux sous-groupes, et une personne qui m'avait écouté la veille exprima le désir de parler à son tour.
Je me trouvai à nouveau dans presque le même groupe, cette fois comme écoutant.
J'appréciais beaucoup les interventions de Josette, que je trouvais très claires, simples et compréhensibles.

Il avait été prévu de se retrouver le dimanche après-midi en grand groupe, pour échanger nos expériences.
Mais à nouveau le silence d'où rien ne sort, et cette fois-ci je décidai de ne rien dire jusqu'au bout, puisque j'étais déjà très satisfait de ce que j'avais pu exprimer jusqu'ici.
Aux autres de parler !

Ce fut Patrick qui risqua de prendre la parole, exprimant qu'on pouvait peut-être aussi dire des choses légères.
Cela rencontra un assentiment assez général, et certain(e)s dirent qu'elles n'avaient pas osé me contrarier en disant des choses peut-être pas assez importantes.
Et en riant aussi de cette attitude, car cela mettait en évidence un manque d'affirmation de soi.

C'était l'heure de nous quitter, avec des "au revoir" encore plus confiants et sympathiques.

Quatrième séminairede week end

Ce séminaire me semblait très éloigné dans le temps, trop lointain, puis la dernière semaine le temps s'écoula à toute vitesse, et brusquement, c'était demain.
Aux premiers contacts, je me trouvai tout de suite proche de tout le monde mais, une fois assis en cercle dans la salle, je restai sur une certaine réserve, comme intimidé, et ce furent des personnes qui d'habitude s'exprimaient peu qui parlèrent.

L'une d'entre elles prit très vite la parole, comme sous l'urgence, et en effet elle partagea les fortes impressions des cinq semaines qu'elle venait juste de passer dans le désert en Lybie.
Elle nous dit que nous y avions tous été présents avec elle dans son coeur et son esprit, et nous ramenait un cadeau, enfermé dans une petite bourse en cuir qu'elle fit circuler dans le cercle pour que chacun y prenne le sien.

J'avais espéré un caillou du désert, mais c'était des colliers tous identiques, une cordelette soutenant un carré de métal argent serti à sa base d'une verroterie rouge triangulaire.
Je ne le trouvais pas beau et n'avais pas envie de le mettre à mon cou.
Peut-être que chacun ait le même me gênait aussi.
Je trouvais que cela faisait un peu secte du temple solaire.
Je ressentais même quelque chose de mauvais émanant de ce bijou.
Je le gardai un moment dans ma main pour le charger de mes ondes positives. Puis, ayant la sensation de ne pas y arriver, je le posai sur la table derrière moi.

D'autres personnes suivirent sur le thème du voyage. Notamment l'une d'elles partagea comme le retour lui était dur. Les contraintes de son travail professionnel et domestique lui étaient très pénibles et ne lui laissaient pas de vie personnelle où être libre de faire où ne pas faire ce qui lui plaît.

Cela me ramena sur mon expérience professionnelle propre, que j'avais vécue comme très pénible et aliénante. Et je partageai que, chaque nuit, malgré que j'aie arrêté ce mode de vie que je n'aimais pas depuis déjà treize ans, je rêvais que j'étais obligé, pour des raisons financières, de quitter ma vie actuelle, donc ma Bretagne, pour retourner travailler comme avant à Paris, avec mes anciens patrons. (En 2010 j’en rêve encore !)
Ces rêves étaient toujours pour moi des cauchemars, et je me réveillais en constatant avec soulagement que j'étais bien dans mon lit en Bretagne, que je n'avais vraiment nulle obligation d'aller m'expatrier à Paris, et je me disais "ouf, ce n'était qu'un rêve"

Mais l'insistance de ces rêves chaque nuit m'intriguait fort. On m'écouta attentivement, mais on ne me donna nulle explication ni solution.

Tout le monde se coucha tôt car fatigués du voyage, et je me réveillai tôt à cinq heures le matin. Je ne me souvenais pas avoir rêvé être retourné au travail à Paris.
Je pensai à ce collier et à mes relations avec la personne qui l'avait offert.
C'était une des rares avec qui je ne me sentais pas à l'aise, vis à vis de laquelle j'éprouvais même une gêne, avec laquelle je maintenais une distance, comme par peur d'être envahi.
Je me sentais énervé, agressif à son égard, sur la défensive. Je me dis qu'il faudrait que je lui rende ce collier, pour me sentir tranquille.
Je me rendormis, et me réveillai au dernier moment, à huit heures.

Le matin, je me sentais apaisé, peut-être d'avoir pris cette décision, mais elle ne paraissait pas en forme. Je n'eus pas le courage de lui apporter cette épreuve et gardai le collier dans ma poche.
Mais je n'étais pas trop présent à ce qui ce disait car je restais préoccupé par cette histoire de collier. Je me dis qu'il fallait absolument que je le lui rende, sinon cela resterait comme quelque chose de non résolu.

A la reprise de l'après-midi, elle semblait avoir une bonne figure. Je me lançai, allai vers elle, et lui expliquai que le collier ne me plaisait pas, que j'aurais préféré un caillou, et que je le lui rendais.
A ma grande surprise, elle réagit assez calmement, disant qu'elle ne voulait surtout pas que ces cadeaux soient obligatoires, et que d'ailleurs elle s'était doutée dès l'achat que celui-ci ne me plairait pas.

Une participante intervint vigoureusement, disant qu'elle était très choquée car un cadeau ne se refuse pas, et qu'au moins j'aurais pu le faire en privé, pas devant tout le monde.
J'expliquai que dans la vie courante, je tiens compte de l'intention des gens, et que même si un cadeau ne me plaît pas, je le garde.
Mais ici je suis dans un contexte expérientiel, avec une personne avec qui j'ai un problème relationnel, et j'ai en faisant cela, surtout devant tout le monde, l'occasion d'apprendre à dire non et de faire bouger la relation.

On me demande d'expliquer davantage ce que je ressens dans cette relation, et en le faisant j'explique que je me demande si ce que je ressens vient de quelque chose qui existerait vraiment chez cette personne, où d'une identification que je ferais avec une personne de mon passé.
Je ressentais cela avec ma grand'mère paternelle :
l'impression d'être envahi, nié, transformé en objet.
J'avais deux ans et j'habitais chez ma grand'mère maternelle, que j'aimais bien.
L'autre venait me chercher de temps en temps pour m'emmener chez elle.
Mais j'avais horreur de cette grand'mère, c'était viscéral. Je n'aimais pas le ton de sa voix, ses gestes, son allure, ses baisers mouillés, et quand elle arrivait, j'allais me cacher dans une malle au grenier pour qu'on ne me trouve pas.
Il fallait quand même que j'y aille, et elle achetait mon consentement par quantité de jouets qu'elle avait chez elle et n'en sortaient pas. Je n'avais pas le droit de les emmener avec moi.
J'avais demandé pour mon petit vélo :
"Non, tu pourrais le casser".
Quand j'arrivais chez elle, j'étais entièrement déshabillé, ("regarde, comme tu es mal fagoté"), et rhabillé avec des vêtements à elle, qu'elle avait confectionnés elle même, dans des tissus tirés de ses propres vêtements. Je n'aimais pas le contact sur mon corps de ces tissus, qui me donnaient l'impression d'être habillé en fille.

Elle n'avait pas aimé que son fils unique épouse ma mère, et avait toujours été très méchante avec elle. Un jour qu'avec la naïveté de l'enfant je lui avait dit "Elle est belle, ma maman", elle avait répondu "oh non, ta maman n'est pas belle", et j'en avais été très surpris et choqué.
Ma mère m'a raconté bien plus tard que, lorsqu'elle avait été enceinte de moi, cette grand'mère s'était empressée de lui apporter un produit pour avorter, prétextant que les circonstances de la guerre (nous étions en 1941) n'étaient pas favorables à la naissance d'un enfant.
En tant qu'embryon et foetus, l'ai-je sentie comme une menace sur ma vie ?
Ou ai-je simplement perçu plus tard l'hostilité qu'elle avait pour ma mère ?
Cette répulsion, forte et tenace, vis à vis de cette grand-mère, m'a toujours intrigué.
J'ai dû la fréquenter tant que j'étais enfant, mais dès que j'ai été libre de mes mouvements, je ne suis plus allé la voir.
Je ne l'ai revue qu'une fois à Paris à l’hôpital alors qu'elle y était venue assister au défilé du 14 juillet et avait eu un accident. A la suite de ça je suis retourné la voir une ou deux fois chez elle. Puis pour ses derniers jours, alors qu'elle avait perdu la tête et qu'il avait fallu la placer dans une institution.

Qu'elle évoque chez moi cette grand'mère posa quelque problème à mon interlocutrice, qui se demanda si elle aussi quelque part n'était pas un peu comme ça.
Aurait-elle pu elle aussi devenir une grand'mère abusive ?
Finalement elle décida que non, justement parce qu'elle était à ce séminaire avec nous.
Elle me regarda et me dit gentiment, comme pour me rassurer, qu'elle n'était pas ma grand-mère.
Je sentis que cela me fit de l'effet. Je me sentais calmé, comme si je la croyais. Je me dis qu'elle pourrait être une grand'mère gentille, ou même simplement une personne, avec qui je pourrais découvrir une nouvelle relation enrichissante.

Le soir, après le dîner, alors qu'elle montrait ses photos du désert, je m'assis à côté d'elle en tout confiance, et sans arrière pensée.

Cette nuit-là je fis un rêve surprenant.
Je m'empressai de le partager dès le début de la réunion du matin :

J'avais ma propre entreprise, dont je m'occupais avec un ami. C'était une sorte de commerce de gros, et nous transportions avec des élévateurs des palettes de marchandises.
Mais notre entrepôt était original : c'était une grande barge flottant dans un bassin, le long d'un fleuve genre Seine.
Quand nous recevions les marchandises que nous avions commandées, au lieu de les disposer en surface pour qu'elles soient disponibles, nous nous trompions et les rangions à l'intérieur de la barge. Dès que nous nous rendions compte de notre erreur, nous faisions une nouvelle commande pour avoir à nouveau de la marchandise disponible, mais nous trompions encore, et mettions les marchandises à l'intérieur de la barge. Et comme cela plusieurs fois de suite, si bien que la barge trop chargée s'enfonçait sous l'eau et bascula.
Heureusement un système de sécurité l’empêcha de se retourner complètement, et nous appelâmes des secours.
Aussitôt d'énormes hélicoptères arrivèrent et déchargèrent du matériel lourd, pour remettre la barge en place, et d'énormes machines aplanirent le terrain sur la rive devant la barge pour que notre stock puisse y être installé en terrain ferme.
En même temps les autres commerçants solidaires se répartirent entre eux nos stocks excédentaires, nous les reprenant à prix coutant.
Grâce à cette aide efficace venant de nombreuses personnes, nous étions prêts à reprendre notre activité sur de bonnes bases.

Le sens de ce rêve me paraissait évident : les marchandises étaient des charges émotionnelles que jusqu'alors j'avais enfouies au fond de moi-même sans plus pouvoir y accéder, ce qui avait provoqué le basculement de ma maladie à 16 ans (voir mes aventures thérapeutiques ). L'aide efficace du groupe me permettait de remettre en circulation ces émotions bloquées et d’installer les bases d'une gestion saine de ma vie émotionnelle.

D'autres participants échangèrent sur le thème de la non-communication dans les familles, et en particulier sur l'interdiction de parler des membres de la famille décédés.
Pour certains la famille était une source vivante d'échanges chaleureux, d'amour et d'affection, pour d'autres quelque chose de rigide et froid dont ils ne recevaient et n'attendaient rien. Ceux-là se trouvaient dans un état de grande solitude affective, compensé seulement mais pas toujours par la parenté proche, conjoint et enfants.

Nous avions retrouvé avec joie notre animatrice habituelle, Olga, qui était accompagnée d'une nouvelle venue, Claude, à qui nous pûmes in extremis donner la parole le dimanche après-midi, pour qu'elle nous fasse part de son expérience professionnelle personnelle.
Elle avait commencé comme soignante, puis après différentes formations en développement personnel (dont la PNL dont elle avait obtenu le Master), elle s'était lancée elle-même comme formatrice en relations humaines pour le personnel soignant, en collaboration avec un des premiers praticiens formés en Approche Centrée sur la Personne.
Les échanges avec son collaborateur lui ont permis une première découverte de l'approche, et ce n'est que sur le tard qu'elle se forma elle-même au PCAIF comme nous le faisions en ce moment, ce qui modifia radicalement sa pratique.

Nous eûmes de nombreux échanges sur les difficultés des soignants à procurer aux patients un accueil, une considération, un contact respectueux, vu les impératifs de rendement quantitatif qui leur sont imposés.
Aussi sur les craintes qu'eux-mêmes ont d'être envahis par les souffrances personnelles que pourraient réveiller en eux les patients s'ils ne gardaient précautionneusement une distance.

Tous se déclarèrent ravis de l'intensité et de la richesse de ce séminaire, au cours duquel notre confiance les uns envers les autres nous avait conduits à échanger du début jusqu'à la fin tous ensemble en grand groupe.

Nous nous quittâmes avec les effusions habituelles, faisant déjà quelques projets pour le prochain séminaire intensif de fin juin.